10 choses qui se passent quand on parle et vit entre plusieurs langues

Partir vivre à l’étranger veut souvent dire apprendre une autre langue (même si je parle dans cet article de mon expérience d’avoir vécu à l’étranger sans apprendre la langue du pays dans le passé). Soit une langue totalement étrangère, soit un français légèrement différent (car chaque pays francophone possède bien entendu ses propres expressions et accent !). Le sujet de la langue est un sujet que j’effleure dans différents articles de ce blog, mais je n’y avais jamais consacré un article à part entière avant aujourd’hui. Pourtant, c’est un sujet qui me passionne et qui est central à l’expérience de vie dans un autre pays. J’avais envie de parler de ces petites choses que j’ai vécues et que je vis encore parfois depuis que je vis quotidiennement entre deux langues étrangères (dans mon cas, le français et l’anglais). Bien sûr, certaines de ces choses étaient très prononcées au début de ma vie à l’étranger et le sont moins maintenant, et je pense que cela sera pareil pour vous. Car ces choses-là évoluent au fil du temps !

Note : si le sujet de la linguistique vous intéresse, je vous conseille un excellent film que j’ai regardé récemment (sur Netflix !) : « Arrival » avec Amy Adams, qui raconte l’histoire d’une linguiste que le gouvernement américain vient chercher le jour où des extra-terrestres débarquent sur Terre et qu’ils ont besoin d’un spécialiste pour décrypter leur langue. Fascinant !


1. Vous avez une double personnalité

Des études scientifiques ont été menées par des linguistes sur cette question : les personnes qui parlent plusieurs langues possèderaient une personnalité différente pour chaque langue parlée  couramment. Si ce phénomène est plus ou moins marqué en fonction des personnes, je dois admettre qu’il est chez moi assez prononcé. J’ai plus d’humour et je suis plus drôle en français (oui, ça va les chevilles !) qu’en anglais. J’ai aussi tendance à être plus réservée en anglais qu’en français. Bien sûr, au début de l’apprentissage d’une langue, on parle moins tout simplement car on a moins de vocabulaire et que l’on a du mal à réagir assez vite au sein d’une conversation. Mais au-delà du fait de révéler une autre personnalité de nous-même, chaque langue serait porteuse de valeurs culturelles différentes et associée à une manière unique de voir le monde (c’est la théorie du « relativisme linguistique »). D’où l’idée avancée par beaucoup de linguistes qu’à chaque fois qu’une langue meurt, c’est une manière de voir le monde qui meurt avec elle.

2. Vous jurez à tout va

Vous jurez comme un charretier dans votre langue d’adoption ? Vous aimez des gros mots et insultes très imagées que vous n’utiliseriez pas dans votre langue maternelle ? Une chercheuse en psychologie linguistique finlandaise dit que c’est tout à fait normal, et que les langues étrangères libèrent la parole : « il existe une faible implication émotionnelle dans le choix des mots grossiers ». En d’autres termes, dire des insanités dans une langue que vous avez apprise à l’âge adulte n’a pas le même impact que d’utiliser des grossièretés dans votre langue dominante ou maternelle !

3. Vous évitez certains mots

Ce que j’appelle la « stratégie de l’évitement » (expression que j’ai inventée et qui ne vient pas de linguistes !) : c’est la manière dont parfois, nous évitons d’utiliser dans une langue étrangère des mots compliqués ou qui peuvent prêter à confusion à cause de notre accent. Pour vous donner un exemple concret, une de mes lectrices vivant au Royaume-Uni me disait récemment qu’elle évitait de prononcer le mot « beach » car son accent laissait parfois penser qu’elle disait « bitch ». À la place, elle utilise l’expression « sea front ». A chacun sa technique !

4. Vous maudissez les mots imprononçables

Certains mots vous donnent ce sentiment d’avoir une patate chaude dans la bouche lorsque vous les prononcer. Par exemple, les mots « squirrel » (écureuil)  ou « brewery » (brasserie) pour moi pendant longtemps en anglais. Ou alors, certains mots changent totalement de sens lorsque vous placez l’accent tonique au mauvais endroit (« beach »/« bicth » comme cité précédemment, ou « sheet »/« shit » est un autre bon exemple). J’ai d’ailleurs rédigé un article à ce sujet sur mon blog, sur les 20 mots les plus difficiles à prononcer en anglais pour des étrangers. La liste est non exhaustive, et ce problème existe dans toutes les langues : elles possèdent toutes des mots imprononçables ! J’ai un ami autrichien qui ne pouvait pas prononcer différemment les mots « cheveux » et « chevaux » en français, créant des discussions sans queue ni tête assez hilarantes (et pas facile de remplacer « cheveux » et « chevaux » par des synonymes sans provoquer un fou rire… « Chevelure », « monture » ?).

5. Vous parlez « bizarrement »

Les Français (votre famille, vos amis, parfois des inconnus – je l’ai vécu !) vous le font remarquer quand vous rentrez au pays que vous parlez « bizarrement ». Par exemple, vous traduisez certaines expressions anglaises de manière littérale, ce qui ne veut pas dire grand-chose en français. Par exemple, l’une de mes lectrices vivant en Espagne me disait récemment qu’elle avait parlé d’un « cas clôturé » (expression espagnole) à sa famille, qui lui a fait remarqué qu’en français, on dit une « affaire classée ». Ou alors vous utilisez des mots étrangers avec l’accent français en plein milieu d’une conversation. Vous construisez vos phrases avec la logique grammaticale de votre langue d’adoption, ce qui sonne un peu étrange en français… Pas toujours facile quand on parle une autre langue que le français au quotidien, au travail et/ou chez soi !

6. Vous parlez le franglais

Ou toute autre langue qui combine votre langue maternelle à une langue étrangère que vous parlez couramment. Un peu à la manière de Jean-Claude Van Damme, illustre en la matière. Je me retrouve régulièrement dans cette situation (sans pour autant pouvoir prétendre être au niveau de Jean-Claude Van Damme non plus, soyons honnête). Un autre grand classique du franglais : glisser des mots anglais dans une conversation en français lorsque vous parlez avec un autre Français ou vos enfants vivant dans le même pays étranger que vous… Ou bien vous passez d’une langue à l’autre au sein de la conversation. Au moins avec cet ami, vous vous comprenez !

7. Vous ne parlez plus aucune langue parfaitement

Votre langue maternelle n’est plus aussi bonne que lorsque vous viviez dans votre pays d’origine, mais vous ne perdrez sans doute jamais totalement votre accent français dans les autres langues étrangères que vous parlez. A part quelques exceptions (que j’appelle les « expats caméléons » dans cet article), c’est en effet quelque chose que vous vivrez lorsque vous évoluez entre plusieurs langues et cultures au quotidien. Cela étant dit, c’est le prix à payer pour pouvoir parler plusieurs langues couramment et avoir accès à cette bien belle richesse !

8. Vous êtes la personne qui représente le français chez vous

Cela est le cas pour certains parents francophones vivant à l’étranger et dont les enfants vont à l’école dans une autre langue. Ces parents me parlent souvent du fait qu’ils portent la « responsabilité » de transmettre leur culture francophone d’origine aux enfants (sans que cela ne soit vu comme un point négatif !) en leur parlant français à la maison, en les inscrivant dans une école de français le week-end, ou encore en leur faisant regarder des dessins-animés ou en écoutant des comptines en français. La question de la transmission du français aux enfants scolarisés dans une autre langue est, je trouve, également très intéressante !

9. Vous dites des mots dans la mauvaise langue

Ces quelques jours d’adaptation lorsque vous rentrez en France après plusieurs mois, ou que vous rentrez dans votre pays d’adoption après un long séjour en France – on en parle ? Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai dit « bonjour » ou « merci » dans la mauvaise langue sous le regarde éberlué de mon interlocuteur (un vendeur, un douanier Français qui ricane car j’ai dit « Hi » au lieu de « bonjour », une dame qui me demande un renseignement dans la rue). Cela m’arrive surtout lorsque je rentre en France après une longue absence, et à chaque fois, je suis mortifiée !

10. Vous avez accès à une autre culture

J’avais envie de finir cet article sur une note positive parce qu’au final, pouvoir parler couramment plusieurs langues est quelque chose d’assez extraordinaire et d’incroyablement enrichissant. Régulièrement, je prends le temps de penser au niveau d’anglais que je possédais il y a 10 ans, à une époque où je souhaitais désespérément devenir bilingue mais où la tâche me semblait titanesque ! Et avec le temps, en travaillant, en étant réellement motivée, je me considère aujourd’hui bilingue, même si je pense avoir atteint un palier dans mon niveau d’anglais et que les anglophones entendent toujours mon accent français (et que oui, je fais toujours quelques erreurs rigolotes qui amusent beaucoup mon mari). Mais c’est aussi ça qui fait notre charme, non ? Parler couramment une autre langue, c’est avoir accès à une culture étrangère de manière profonde et immersive, et l’anthropologue qui sommeille en moi (et en vous, j’en suis certaine !) s’émerveille toujours autant devant cette grande richesse culturelle !


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2 Commentaires

  • Super article!
    Je vis et travaille aux Pays-Bas, et ne communique quasiment qu’en anglais au sein de mon entreprise.
    Dernièrement j’ai du faire une présentation que je fais normalement en anglais à des associés français qui ne me connaissaient pas. Je leur ai faite en français mais je cherchais parfois mes mots.
    À la fin de la présentation, une des associées est venue me voir et pensant me faire un compliment, m’a félicité pour mon niveau en français et m’a demandé quand est-ce que j’avais appris à le parler… 🙂 euhhhh… Awkward 🙂

    • Bonjour Nathalie, et merci beaucoup pour ton témoignage ! Super anecdote de travail, très drôle de voir que l’on te prend clairement pour une « native » anglophone maintenant… ! Awkward mais bravo quand même ! Gabrielle

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